Lettre ouverte à François Soudan, journaliste à "Jeune Afrique".
Monsieur,
Référence faite à votre article paru dans le journal Jeune Afrique n° 2592 du 12 septembre 2010 et ayant comme titre : « Génocides(s) », je me permets de m’adresser à vous afin de vous dire combien, en écrivant cet article, vous avez non seulement terni l’image de votre journal mais aussi votre métier en tant que « journaliste ».
Je savais depuis longtemps que vous faites parti des grands propagandistes de Kagamé car vous ne lui tarissez pas d’éloges mais de là à penser que vous pouvez aussi tomber trop bas en cherchant à défendre l’indéfendable cela dépasse l’entendement. Mais, Monsieur Soudan, sachez qu’à quelque chose malheur est bon. Vous avez dévoilé aux yeux du monde votre vrai visage et nous vous considérons désormais, vous et votre journal comme faisant parti des lobbyistes du gouvernement Kagamé.
Vos articles pleins de subjectivité m’ont amené à suspendre mes achats hebdomadaires de Jeune Afrique et la logique veut que tous ceux qui veulent des journaux et des journalistes objectifs emboîtent mes pas et boycottent votre journal.
Je ne veux pas parler dans le vide comme vous le faites souvent chaque fois que vous écrivez sur le Rwanda. Je veux utiliser votre propre article, pour démontrer hors de tout doute raisonnable que vous ne méritez plus le titre de journaliste.
1. Votre article intitulé « Génocides(s) » en dit long sur votre militantisme envers le Gouvernement de Kagamé. Vous commencez votre article en écrivant : « …Outre l'emploi aussi controversé que sujet à caution du terme "génocide"…, »
Depuis la sortie de ce pré-rapport de l’ONU, vous ne cessez de le qualifier de « controversé ». Qu’entendez vous par rapport controversé ? Toutes les ONG sans exception qui travaillent à l’Est du Congo, la société civile, les hommes politiques, la quasi-totalité de la presse internationale, les anciens collaborateurs de Kagamé, tous, sont unanimes pour demander la publication de ce rapport dans sa version originale. De quelle brousse ou de quelle planète sortez-vous pour avoir le culot de dire que ce rapport est controversé ?
2. Vous continuez votre article en disant : « Dans un contexte aussi sensible que celui-là, où la vérité des convictions n’a parfois que faire de la vérité des faits …. »
Monsieur Soudan, il ne s’agit pas de la vérité des convictions que le rapport décrit, mais sur les faits documentés. Les enquêteurs ont mis 10 ans pour arriver à leurs conclusions ! Ils ont été sur le terrain, ils ont vu des charniers, ils ont vu des restes de vies humaines, ils ont entendu des témoignages, ils ont recoupés les informations se trouvant dans le rapport de Roberto Garreton et d’autres rapports existants etc. Qui dit alors vrai entre vous et les enquêteurs qui ont mis 10 ans en faisant du travail de terrain et vous, qui ne fait que de la propagande du FPR à partir de votre bureau ?
3. Vous continuez votre militantisme en disant : « Nul ne sait encore si le terme tragiquement connoté de « génocide », qui figure dans la version officieuse de ce document pour qualifier les massacres de réfugiés hutus en RD Congo, sera maintenu. S’il l’était, ce rapport dont l’existence et le contenu provisoire ont été révélés le 8 août par Jeune Afrique, avant d’être plus largement repris trois semaines plus tard dans Le Monde, ne rendrait service à personne : ni à la mémoire des morts, ni aux droits des vivants, encore moins à la décence et à la vérité historique. »
J’ai été abasourdi en lisant ce paragraphe. Monsieur Soudan, qu’est ce qui est tragique dans ce rapport ? Le fait de dire la vérité ou de continuer à garantir l’impunité à votre sponsor ? Les réfugiés hutu ont été massacrés, «génocidés » au grand jour et quand les enquêteurs qualifient ces massacres de génocide vous pensez qu’ils sont entrés de faire perdre le sens du mot génocide !!
Qui vous a mandaté pour parler aux noms de nos morts et aux rescapés du génocide de Kagamé ! D’après vous, c’est en étouffant la vérité que la mémoire des nôtres sera honorée ? Quelle est votre vérité historique ?
4. Vous continuez en disant : « Les auteurs du rapport confortent de facto la thèse négationniste des idéologues du Hutu Power selon lesquels il n’y a pas eu génocide, mais massacres spontanés et contre-massacres. Or cette interprétation est une falsification ».
Monsieur Soudan, permettez-moi de vous dire que le temps où vous traitiez tous ceux ou toutes celles que vous vouliez faire taire en les qualifiant de négationnistes, révisionnistes, génocidaire est révolu. Sans scrupule, vous osez écrire, comme ne cesse de le répéter le gouvernement Kagamé dans ses propagandes, qu’il existe le Hutu Power ! Monsieur Soudan, qu’entendez-vous par Hutu Power ? Est-elle une organisation structurée avec un leader ? Elle est basée où ce Hutu power ? Quel est son mode de fonctionnement ? Vous osez même affirmer que ce Hutu power a des idéologues !! Qui sont-ils ? Vous entretenez des amalgames en faisant croire au monde entier qu’il existe des bons et des mauvais Hutu ! Des bons pouvant devenir des mauvais et vice-versa, selon les circonstances. Les exemples ne manquent pas. L’ancien président Pasteur Bizimungu était considéré comme un bon hutu car il servait les intérêts du groupuscule Kagamé. Quand il a commencé à critiquer Kagamé, il est devenu un hutu extrémiste, négationniste, idéologue de hutu power etc. Le général Rwarakabije, ex commandant en chef des FDLR, était un extrémiste à abattre ! Aujourd’hui comme il sert les intérêts de Kagamé, il est classé parmi les bons Hutu !! Dès qu’il ne servira plus à rien, il n’est pas exclu qu’il soit aussi condamné comme génocidaire. Je vous mets aux défis de démontrer, preuves à l’appui, l’existence de ce Hutu Power. La vérité est qu’il s’agit d’une stratégie savamment élaborée qui ne vise qu’à anéantir toute voix discordante au régime que vous servez.
Concernant le génocide de 1994, à ce que je sache, aucun homme politique rwandais ne nie l’existence du génocide tutsi.
5. Sur la même lancée vous continuez en disant : « Les mots ont un sens, et pour qu’il y ait eu un génocide des Hutus il eût fallu que les conditions qui entourèrent celui des Tutsis se soient répétées. Préparation minutieuse, support idéologique, relais médiatique, constitution de listes, exécution systématique, etc. Non seulement rien de tel ne s’est produit, mais 70 % des Hutus du Rwanda n’ont jamais quitté le pays et plus de 80 % de ceux qui avaient fui en 1994 sont rentrés depuis… ». De tels propos ne peuvent sortir que d’un journaliste militant ayant perdu le sens même de son métier.
- Premièrement, permettez-moi de vous dire que jusqu’à preuve du contraire, le TPR n’a jusqu’à présent établi, hors de toute raisonnable, un quelconque indice ou preuve matérielle qui montre qu’il y a eu planification du génocide au Rwanda. Même Mr Bagosora qui a été souvent présenté comme le cerveau du génocide a été acquitté pour ce chef d’accusation. Jeune Afrique a quelle preuve pour dire qu’il y a eu une planification minutieuse du génocide ? Au contraire, la préparation minutieuse de l’attaque des camps des réfugiés a été documentée. Kagame lui-même n’avait cessé de menacer ces réfugiés avant de passer à l’action. Il y a eu des réunions du haut commandement militaire pour préparer cette attaque. Les preuves existent.
- Les relais médiatiques. Mr Soudan, vous oubliez que Jeune Afrique n’a cessé de dire que les camps de réfugiés sont des sanctuaires des génocidaires ? La voix de Kagamé (Radio Rwanda), RFI et autres n’ont cessé de faire des propagandes anti-réfugiés ! Des enregistrements sonores et vidéos existent pour affirmer ce que je dis !
- Constitution des listes. Dans la seule ville de Bukavu, les premiers tués de la ville furent des Rwandais qui ne vivaient pas dans les camps des réfugiés ! C’est dans ce massacre que mon beau-frère de 18 ans fut assassiné. Que son âme repose paix. Il fut assassiné parce qu’il vivait dans la même cour qu’un homme politique rwandais. Quand les commandos de la mort sont arrivés, l’homme en question avait pris la fuite. Ils ont demandé au jeune de les indiquer où se cachait ce monsieur. Ce jeune innocent qui ne savait absolument rien sur la destination de l’homme que le commando cherchait, a été criblé de balles ! Ce récit montre à suffisance que les listes des personnes à abattre étaient bel et bien établies.
- Exécutions systématiques : Le pré rapport de l’ONU est bien clair là-dessus. Il y a eu bel et bien des massacres systématiques. Sinon comment qualifier autrement ces massacres. Même les réfugiés qui ont cherché à s’enfuir au fin fond de la forêt congolaise, les commandos du FPR sont allés les débusquer et les ont assassinés.
- Vous affirmez sans preuves matérielles que 70% de Hutu n’ont jamais quitté le Rwanda. Qu’à cela ne tienne. Combien de ces 70% sont encore vivants au Rwanda ? Voici la vérité sur la destination de la majorité de ces personnes :
§ Selon le rapport de l’ONU 8000 âmes ont été massacrées par le FPR dans le camp de réfugiés de Kibeho en 1994 (dans le sud du pays).
§ Des milliers de personnes ont été sauvagement tués dans les grottes de Kanama par l’armée de Kagamé.
§ Des centaines de personnes ont été enlevées par la triste DMI pour être tués dans le silence.
§ Des milliers d’autres croupissent dans les prisons mouroirs du FPR.
§ Des milliers d’autres ont fui vers le Burundi, le Congo,
§ Ceux qui restent au pays sont devenus des citoyens de second rang qui n’osent même pas exprimer leurs souffrances. C’est ça la vérité.
6. Vous continuez en en affirmant : « La fuite de près de deux millions d’hommes, de femmes et d’enfants vers ce qui s’appelait encore le Zaïre, en juillet 1994, ne fut pas en effet un exode désordonné, mais un exode encouragé, encadré (et parfois forcé) par les bourgmestres, préfets, responsables de secteurs et de districts qui avaient exécuté le génocide ».
Cette thèse est soutenue par le régime Kagamé et tous ses propagandistes comme vous. Je préfère vous donner quelques faits qui vous démontreront que vos affirmations sont non seulement infondées mais aussi irresponsables.
- Dernièrement, il y a eu une offensive militaire de la coalition en Afghanistan. Des milliers de personnes ont fui pour se mettre à l’abri des combats. Pouvons-nous dire que ces personnes ont été encadrées par leurs Responsables pour les inciter à fuir ? Dans tous les pays du monde entier, une offensive militaire est suivie par un exode massif de la population. Pourquoi ce qui est valable en Afghanistan et ailleurs ne l’est pas au Rwanda ?
- Monsieur Soudan, le FPR n’a pas attaqué le Rwanda en 1994 mais depuis octobre 1990. Savez-vous combien de réfugiés intérieurs que comptait le pays en 1994 ? Plus d’un million, Monsieur Soudan ! A chaque attaque, le FPR ne semait que la mort et la désolation. Voilà pourquoi la population fuyait en masse à chaque offensive du FPR. La population a préféré la vie misérable dans le camp de réfugiés de Nyacyonga (près de Kigali) que de rester dans les zones conquises par le FPR car elle craignait pour leur vie.
- Lors de mon départ pour le Congo, personne ne m’a forcé à y aller. Je suis parti car j’estimai que ma sécurité n’était pas garantie et je ne me suis pas trompé, vu le nombre de personne que le FPR a massacré à son passage. Les bourgmestres et Préfets que vous dites dans votre article ne sont que des prétextes. Ces gens étaient complètement introuvables car chacun cherchait à fuir et sauver la vie des siens. Je ne dis pas que quelques responsables n’ont pas failli à leur devoir mais quant à dire que ces Responsables ont forcé la population à fuir il y a de quoi s’interroger sur l’intégrité de vos propos. Il fallait être au Rwanda pour comprendre la panique qu’avait le peuple. Arrêtez votre propagande car vous n’étiez même pas au Rwanda pour savoir ce qui s’y déroulait.
- Permettez-moi, Monsieur Soudan de vous dire qu’avant la prise du pouvoir au Rwanda par le FPR, les districts n’existaient pas comme entités politico-administratives. Vous écrivez et affirmez ce que vous ne connaissez pas.
- A lire votre article dans ce paragraphe, vous affirmez que les Préfets, Bourgmestres, Conseillers communaux ont trempé dans le génocide de 1994. Ceci est une affirmation gratuite passible des poursuites judiciaires.
En conclusion : votre article est tellement rempli de mensonges que chaque ligne peut faire l’objet de critiques objectives d’une centaine de pages. Si vous avez été induit en erreur, il n’est pas trop tard pour vous ressaisir. Plusieurs journalistes et chercheurs qui avaient longtemps milités pour la cause du FPR ont découvert son vrai visage et travaillent maintenant pour l’éclatement de la vérité.
Les Rwandais ne veulent que des journalistes qui les aident à aller au-delà de leurs divisions ethniques pour négocier un virage de la réconciliation véritable. C’est à travers la publication de la vérité qu’on arrivera à cet objectif. Que celui qui a tué un Tutsi soit puni de la même façon que celui qui a tué un Hutu. Que le mémorial de Kigali soit un mémorial de tous ceux qui ont péri dans la tragédie rwandaise.
Jean Jacques
Montréal-Canada
20/9/2010